En alertant l’opinion publique, les scientifiques mettent leur carrière en danger, et ils se placent souvent en marge de leurs pairs, observe dans sa chronique Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».
Les scientifiques doivent-ils, à l’instar des ministres, « fermer leur gueule ou démissionner » ? André Lamontagne, le ministre québécois de l’agriculture, a implicitement répondu par l’affirmative, le 24 janvier, en congédiant Louis Robert, un agronome chevronné attaché au ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation de la Belle Province.
L’intéressé a été reconnu coupable d’avoir transmis à la presse des documents mettant en cause l’intégrité de la recherche publique canadienne sur l’usage des produits phytosanitaires. Le chercheur avait protesté en interne, en vain, avant de faire fuiter à des journalistes de Radio-Canada une note ministérielle confidentielle.
Celle-ci est accablante. Elle révélait que le Centre de recherche sur les grains (Cérom), un organisme financé à près de 70 % par des fonds publics et notamment censé travailler à la réduction de l’usage des pesticides en agriculture, était piloté par un conseil d’administration dominé par les grandes sociétés commercialisant des pesticides.
La note mettait surtout en évidence les incroyables manquements produits par ce conflit d’intérêts : déclarations du président du Cérom en opposition avec les résultats des travaux conduits par l’organisme, chercheurs contraints d’endosser des conclusions tronquées ou toilettées, voire poussés à ne pas publier leurs travaux… « Une chercheuse a même subi des pressions sur son cellulaire personnel de la part d’une grande multinationale vendeuse de pesticides, qui avait été informée de ses recherches et de son numéro de téléphone », rapportait Radio-Canada en mars 2018.